22 mars 2010

Revues opérationnelles et revues stratégiques. Combien de fois serez-vous chanceux ?

La capacité d'une entreprise à réaliser sa stratégie réside avant tout dans la qualité de son exécution.
Patrick Jaulent, Président du club Balanced Scorecard & Performance Europe, nous donne la primeur de ses réflexions sur les "revues de performance"

J’observe au sein des organisations privées ou publiques la tenue d’une multitude de "revues de performance" qui s’entremêlent et se superposent pour aboutir, le plus souvent, à une piètre efficacité. On pourrait d’ailleurs mesurer le nombre de décisions opérationnelles ou stratégiques prises lors de ces revues et annulées lors de la revue n+1 : "Faites des réunions sur des sujets qui en valent la peine" disait Michael Eisner PDG de Disney (sous-entendu qui en valent le "coût" compte tenu du "coût salarial" des personnes présentes à ces réunions).

Deux types de revues se réalisent au sein de ces organisations : des revues opérationnelles et des revues stratégiques. Je note également qu’il existe deux types de revues stratégiques : les revues de pilotage stratégique et les revues d’adaptation / définition de la stratégie.

Quels sont les objectifs de ces revues, leur fréquence et leur durée, quelles sont les personnes concernées, telles sont les interrogations que je vous propose de partager à partir de cet article.

Revue opérationnelle
Quel est l’objectif d’une revue opérationnelle ?

L’objet d’une revue opérationnelle est d’analyser les principaux KPIs de l’entité (service, département, processus) tels que ceux évaluant les ventes, les commandes, les expéditions, les réclamations clients les plus importantes, les défauts de fabrication, le rendement de différents machines (cf. graphique), l’absence prolongée d’un employé, l’avancement des projets informatiques, le niveau de satisfaction des utilisateurs des outils bureautiques, etc ...
Ce type de revue porte différents noms : revue de service, revue de processus, réunion commerciale, revue de projet(s), etc...

Quelles sont la fréquence et la durée d’une revue opérationnelle ?
Selon le métier de l’entité, la fréquence et la durée d’une revue opérationnelle peut varier de 30 minutes à une ou deux heures par jour ou par semaine. Si l’entité a un cycle d’opérations court, avec des KPIs mis à jour à l’heure, une revue opérationnelle quotidienne favorisera l’apprentissage rapide et la résolution de problèmes. Ces revues sont ciblées : elles sont dirigées par les données issues des KPIs et centrées sur l’action immédiate.

Quelles sont les personnes qui assistent à une revue opérationnelle ?
Les personnes qui assistent à ce type de revue appartiennent généralement à la même entité (service, département, processus). Par exemple, les vendeurs peuvent se rencontrer avec le responsable des ventes pour discuter sur la profondeur du pipe client. De même, les opérateurs de machines (tourneuse, fraiseuse,..) peuvent passer en revue, avec le responsable de l’îlot de production les divers problèmes de production (défauts, goulets d’étranglement, calendriers d’entretien, pannes d’équipements, temps morts,..). Le personnel du service financier peut, avec le responsable financier, traiter des problèmes de liquidités à court terme, les retards de paiement, les opérations de trésorerie, les relations avec les banques. Le personnel RH avec son responsable peut analyser les KPIs évaluant la performance du processus de recrutement, les demandes de formations non planifiées, le niveau de satisfaction des formations réalisées, etc...

Revue de pilotage stratégique
Quel est l’objectif d’une revue de pilotage stratégique ?

L’objectif d’une revue stratégique est d’examiner les progrès de la stratégie. C’est répondre à la question : Sommes-nous sur la bonne trajectoire de notre stratégie (avons-nous dévié de notre route) ? Nous rappelons qu’une vision est chiffrée. Par exemple. Nous voulons être considérés en 2015, comme l’acteur majeur sur le marché de la télévision 3D. Pour être efficace, cette revue de pilotage stratégique doit encourager une discussion complète et en profondeur de chaque indicateur, cible et état des plans d’actions en cours, et déboucher sur des décisions stratégiques.

Il est en effet bien rare de ne pas avoir à rectifier quelques cibles de performance préalablement fixées (cibles trop ou pas assez ambitieuses) et/ou revoir / créer des plans d’actions stratégiques.

Quelles sont la fréquence et la durée d’une revue de pilotage stratégique ?
Il n’existe pas de consensus sur la fréquence et la durée optimales d’une revue stratégique bien que la plupart des organisations réalisent une revue stratégique de 2 à 3 heures afin de s’assurer que la stratégie est toujours une priorité car le court terme prend généralement le pas sur le moyen et long terme. La fréquence d’une telle revue est généralement le quarter, le trimestre, et pour certaines activités le mois. La stratégie est un engagement sur le moyen et long terme (bien que certaines situations provoquent des stratégies à court terme : cf. la crise que nous traversons) où sont abordées les priorités stratégiques telles que le développement des compétences clés, la marque, les nouveaux produits, l’établissement de nouvelles relations avec les clients et les partenaires, la création de joint-ventures,..

Quelles sont les personnes qui assistent à une revue de pilotage stratégique ?
L’ensemble des membres de la direction de l’entité participe à la revue de pilotage stratégique de l’entité. Au niveau corporate, il s’agit du PDG, des DG, et des directeurs métiers et support (DAF,IT, RH, ...). Il en est de même au niveau d’une direction (BU,..). Par exemple, l’ensemble des responsables de ventes (responsables de secteur,..) participent à la revue de pilotage de la stratégie commerciale (qui contribue à la stratégie globale), sous la responsabilité du directeur des ventes.

Revue d’adaptation / définition de la stratégie
Quel est l’objectif d’une revue d’adaptation / définition de la stratégie ?
Lors de l’exécution de la stratégie, suite à une perturbation majeure (externe ou interne), ou à une opportunité stratégique, la direction de l’entité peut être amenée à planifier une revue pour identifier des corrections à apporter à la stratégie voire à la redéfinir.

Quelles sont la fréquence et la durée d’une revue d’adaptation / définition de la stratégie ?
La fréquence est naturellement liée à l’urgence et à la nature des travaux à réaliser. J’ai cependant constaté que ce type de revue s’effectue, en situation normale, tous les 2 ans / 3 ans, pendant 3 à 4 heures. Naturellement en période de crise ou d’évolution de l’environnement (nouveaux concurrents, nouvelle réglementation, ...) la fréquence de ces revues stratégiques est adaptée.

Quelles sont les personnes qui assistent à une revue d’adaptation / définition de la stratégie ?
L’équipe de direction au complet. La participation du « responsable » de l’entité (PDG, DG,) et de tous les membres du comité exécutif est obligatoire. Dans le cas d’une adaptation de la stratégie suite à une proposition du « terrain », il est conseillé d’inviter certains responsables du terrain. Les meilleures optimisations stratégiques sont souvent issues du terrain : des opérationnels.

Mes conseils
Je vous conseille de réaliser des revues stratégiques en utilisant les thèmes stratégiques (cf. les thèmes de la carte stratégique). Il sera ainsi possible de plonger en profondeur dans le/ les thèmes stratégiques sélectionnés (1 à 2 thèmes par revue).

A la différence d’une revue opérationnelle, une revue de pilotage stratégique est préparée en profondeur par le responsable du thème. Ainsi, le rapport formalisant les progrès stratégiques comporte généralement la carte stratégique (la route), les thèmes stratégiques (les tactiques) analysés lors de la revue (cf. l’agenda de la revue), les objectifs liés au thème, les indicateurs et leurs cibles ainsi que les plans d’actions stratégiques pour atteindre les cibles. Un code couleur est généralement associé à ces éléments : "vert" si la cible est atteinte, "jaune" si le progrès est plus lent que prévu mais ne requiert pas pour l’instant d’attention immédiate de la part du comité, "rouge" si le progrès est à la traîne et nécessite une attention particulière. Le rouge doit alerter le comité : "Houston we have a problem" (Apollo XIII).

En pratique j’ai pu observer que les revues stratégiques sont souvent réalisées à partir d’un grand nombre de KPIs issus des revues opérationnelles. Or un KPI est un indicateur clé pour une revue opérationnelle mais certainement pas pour une revue stratégique. Un KPI n’est pas un "KSI" (Key Strategic Indicator). Vous connaissez mon point de vue sur la pléthore de signes afférents aux indicateurs : KPI, KRI, KGI,.. mais si c’est l’un des moyens de différencier les indicateurs, alors pourquoi pas (cf. un post sur mon blog)

J’ai également observé, que des questions opérationnelles étaient examinées en revue stratégique. Cette approche n’est pas à conseiller, il est préférable de ne traiter en revue stratégique que des sujets relatifs à la stratégie, sauf cas de force majeure.

Conclusion
Vous pouvez avoir la meilleure organisation au monde, mais si vos processus de gouvernance ne permettent pas de corriger la route pour atteindre les objectifs opérationnels et stratégiques, le succès n’est alors qu’une question de chance. Combien de fois serez-vous chanceux ?

Patrick Jaulent, Président du club Balanced Scorecard & Performance Europe.



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