6 mai 2011

Comment détecter les présentations trompeuses de résultats

Il semblerait que les propos tenus par les dirigeants et les directeurs financiers sur leurs résultats trimestriels soient de meilleurs révélateurs de la santé réelle de leur entreprise que les états comptables.
Telle est, tout du moins, la conclusion de l’étude menée par deux chercheurs de l’université de Stanford David Larcker et Anastasia Zakolyukina.
Le 16 mars 2008, la Bear Stearns, une des plus grandes banques américaines d’investissement, pionnière dans les produits de titrisation, largement exposée à la crise des subprimes est rachetée in-extremis par la banque J.P. Morgan à un prix de 10$ l’action (celle-ci s’évaluait à 133$ l’action 5 mois plus tôt).

Quelques jours après, Erin Callan, la directrice financière de Lehman Brothers, rassurait les analystes financiers lors d’une conférence téléphonique de présentation des résultats trimestriels en indiquant que le volume d’affaires de la banque était resté "fort". Dans cette conversation, elle utilisa ce mot 24 fois et foisonna son discours d’expressions dithyrambiques comme "formidable" 14 fois, "incroyablement" 8 fois, "challenge" 6 fois et une fois seulement le mot "difficile". La suite, on la connait : la banque se déclarait en faillite 6 mois plus tard et alors même que son patron avait déclaré peu de temps avant "le pire est derrière nous" !

Les analystes et actionnaires de la banque auraient certainement eu une autre vision des résultats et des perspectives de l’entreprise s’ils avaient eu connaissance de l’étude "détecter les présentations trompeuses lors de conférences téléphoniques" menée par les deux chercheurs de l’université de Stanford.

"Il est difficile de savoir lorsqu'il y a une manipulation comptable dans les livres. Alors, nous avons construit un modèle prédisant la probabilité d'une supercherie dans la présentation orale des comptes trimestriels" indique le Professeur David Larcker.

Les auteurs ont analysé, entre 2003 et 2007, près de 30.000 transcriptions de conférences téléphoniques (16.000 émanant de CEO et 14.000 émanant de CFO) issues de présentation de résultats trimestriels. Ils se sont plus particulièrement focalisés sur les séances des questions réponses avec les analystes estimant les propos alors échangés plus libres et moins préparés que ceux prononcé lors de la présentation des résultats.
Ils ont ensuite comparé ces propos avec les corrections comptables intervenues ultérieurement jusqu’en 2009 en introduisant toutes leurs données dans les systèmes informatiques de l’université de Stanford.
90% des sociétés ainsi passées au crible étaient cotées au NYSE ou au NASDAQ, près de 14% d’entre-elles avaient présenté des résultats trimestriels erronés et parfois de manière récurrente.

Les auteurs ont ainsi relevé dans les propos des tournures de langage et l’utilisation d’expressions qui selon eux doivent constituer des signaux d’alerte.

28 février 2011

Stratégie en état d'incertitude

Stratégie en état d’incertitude ? Ne serait-ce pas un pléonasme ?

Définir une stratégie à x années c’est se tourner vers l’avenir, imaginer et construire de nouvelles références, engager des investissements dont les conséquences ne se révéleront qu’avec le temps. C’est faire de la prospective et donc se plonger dans l’incertitude.
J’ai eu l’occasion d’entendre récemment un dirigeant me dire : "comment voulez-vous que je définisse une stratégie et des prévisions à trois ans lorsque je ne sais même pas si mon plus gros client me renouvellera son contrat l’an prochain … ".

Outre l’absence manifeste de stratégie dans son entreprise, le propos m’interpelait, j’y voyais une confusion, dans sa façon d’appréhender le futur, entre les notions de prospective et de prévision.

La prévision repose sur le passé, l’analogie et l’extrapolation, elle s’adresse à un avenir à court terme en continuité, à des tendances en prolongeant des courbes et en utilisant comme outil des modèles.
La prospective, elle, construit de nouvelles références sur un avenir plus éloigné, elle bâtit l’avenir en fonction de choix délibérés, elle permet l’innovation, la stratégie et utilise comme outil des scénarios affectés de probabilités de réalisation.

Ainsi ce dirigeant confondait, dans un contexte de crise de liquidités, la nécessité de revoir ses prévisions à court terme (en termes de résultats et surtout en termes de trésorerie) avec la nécessité d’envisager un horizon plus éloigné. Ces deux exercices n’ont pas la même finalité. Dans le premier cas il s’agit de prévoir un court terme, éventuellement de concevoir des réponses alternatives à une menace imprévue, autrement dit d’anticiper un signal de danger pour pouvoir y répondre avec agilité. Dans le second cas il s’agit d’envisager, dans un environnement en constant changement, une évolution du business model de l’entreprise, de définir une vision, une stratégie.

L’accès au futur comporte ainsi trois portes d’entrée : par le passé c’est la prévision, par le présent c’est l’anticipation et par le futur c’est la vision.
 
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